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5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 01:39

Quelqu'un est brun et sombre et n'a pas quarante ans. Quelqu'un est si tranquille quand il me regarde. Quand je suis si tendu rien qu'en pensant à lui.

Quelqu'un déjà perd un peu ses cheveux mais sa barbe est si noire. Quelqu'un se dégarnit mais on ne le voit pas. On ne voit que ses yeux et on ne voit plus rien.

Quelqu'un dans son regard vous subjugue et vous blesse.

Quelqu'un dans son regard vous porte et vous transperce.

Et je suis attablé au bord de la rivière. Et j'attends que quelqu'un ait fini sa journée. Je ne vois pas passer ni le temps ni le flot. Je suis assis ici, sur des lattes trop rares qui me font mal aux fesses.

Je suis assis ici, je suis assis ailleurs. Mes yeux sont dans le vague, dans les yeux de quelqu'un.

Quelqu'un est mon collègue, quelqu'un est mon ami. Les arbres sur la terrasse frémissent sous le vent. J'ai commandé un verre et je l'ai bu trop vite.

Le soir d'été chavire
En douce.
J'attends que les minutes
Avancent.

Et je sais que quelqu'un à côté, au bureau, est paisible et certain.

Et je sais sa voix grave et les gestes assurés de ses avant-bras nus.

Pour lui l'heure viendra de venir me rejoindre. Il le sait, il la laisse, ne presse pas les choses.

Et pour moi, l'intranquille, l'heure ne veut pas venir. Et quand elle va venir j'aurai peur qu'elle s'en aille.

Quelqu'un m'a dit un jour qu'il n'y avait rien de grave. Quelqu'un un jour a ri de me voir hésiter. Quelqu'un un jour m'a dit que j'étais son ami.

La terrasse du bar au bord de la rivière est devenue bruyante. La semaine est finie c'est l'heure de ne rien faire…

L'odeur des cigarettes monte rêveusement. Et lentement je happe la mousse de la bière. C'est mon deuxième verre, le premier que je goûte. Et ma main dans ma barbe me rappelle que j'existe. Et j'écris quelques lignes sur mon cahier usé, où je pense aux vacances, à l’été et au soir.

C’est l’heure des hirondelles en vol désordonné, qui hachurent le ciel du tranchant de leurs cris.

Et c’est l’heure arrêtée. Les minutes ici ont cessé de passer. Quelqu’un là-bas, enfin, a fini sa journée.

Je prends l’air de celui qui n’a pas attendu.
Je prends l’air de celui qui pense à autre chose.
Et j’ose prendre l’air de celui qu’on surprend.

Je vois dans les yeux noirs de quelqu’un qui s’avance
Qu’il fait semblant d’y croire.

J’ai arrêté de feindre quand j’ai dit à quelqu’un « content que tu sois là »
Et quelqu’un s’est assis, a souri sans répondre.

Sous mes fesses toujours, des lattes trop distantes.
Et dans ma main, encore, mon deuxième demi.
Les hirondelles folles ignorent mon inquiétude.
Et les platanes bruissent sous le vent indolent.
Dans le grand jour, encore.

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Published by herveig

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