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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 18:48

Je reviens sur mes pas. Je me souviens de tout. Du fond de ma mémoire, j’extirpe quand je veux les jours envolés. Il pleut un peu. Je me nourris à évoquer les heures, à évoquer les gens. Les gens qui vinrent ici, les gens qui furent jeunes qui vécurent qui vieillirent. Je me repais de leurs existences. Je les mélange et les confonds. Tel qui fut jeune ici, je le revois s'élancer vigoureux par la porte de la cuisine sombre dans la lumière crue d'un matin frais de Pâques. C'est le même ou un autre que j'aperçois vieilli dans le petit salon. Assis dans le fauteuil, le dos à la fenêtre, il ne voit pas l'automne derrière les carreaux jaunir le tilleul.

Je reviens sur mes pas et je reste le même. Je me tais, et ne parle qu'à moi en un muet discours. La pluie cesse à l'heure du thé. Au soir de mai le soleil est encore haut. Le soir mouillé sera paisible et clair. L'arc-en-ciel a déjà disparu. Ce même soir, les trois vieilles dames qui doucement s'apprêtent pour le thé dans la bibliothèque, elles l’ont vécu déjà dans le même mois de mai. D'une autre décennie, d'un autre siècle peut-être.

Ces dames qui d'un pas lent s'avancent en parlant bas vers le vieux guéridon et les tasses fragiles, elles coururent un jour à en perdre le souffle à la fin de l'enfance. Dans le même jardin, juste à temps pour le thé.

Et le tilleul verdit sur ces vies qui commencent, sur ces vies qui s'achèvent. La fenêtre est ouverte à la bibliothèque.

 

 

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Published by herveig

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